25 Septembre 2008 - Séoul, Corée du Sud

18 ans, cela faisait 18 années qu’il n’avait pas foulé le sol de son pays natal. Ban-Ryu était partagé entre le plaisir de revenir en Corée et l’hypocrisie de la situation. À l’aéroport, des hommes en costumes trois pièces l’attendaient de pieds fermes. Au milieu d’eux, un homme plus petit et trapu aux traits stricts le fixait du regard. Aucune erreur possible : cet homme était son père. Hyun-Seon était comme dans les souvenirs de l’enfant qu’il était quand il est parti vers l’Italie. Ryu s’inclina une fois devant son père et sans plus de cérémonie le suivit jusqu’aux voitures.
« Tu as fait bon voyage ? » Demanda son géniteur une fois dans la voiture. Son deuxième fils ne lui répondit pas.
« Ga-Ra t’attend avec impatience à la maison. » Il haussa les épaules :
« Je me demande bien pourquoi elle m’attend. Ce n’est pas comme si elle me connaissait n’est-ce pas ? » Il entendit Hyun-Seon soupirer longuement mais continua de regarder par la fenêtre les immenses immeubles de la capitaine de la Corée du Sud.
« Les funérailles de Hyun-Su sont demain. » Il hocha la tête :
« J’ai demandé à ta grand-mère tes mensurations : un costume a été préparé. » Ban-Ryu souffla longuement :
« Je ne vois pas pourquoi je devrais y aller. Je ne le connaissais pas. » Hyun-Seon se tourna vivement vers lui :
« Parle encore une fois de la sorte de ton aîné et… - Et quoi ? Tu vas me renvoyer et demander à Hyun-Joong de venir ? Il est pire que moi, vous détestes encore plus : j’ai fait en sorte que si un jour il te voit il ne te reconnaisse même pas comme son géniteur. » Hyun-Seon était bloqué, il avait besoin de Ban-Ryu mais il était aussi borné que lui et ses années en Italie ne lui avaient pas appris la politesse qui était due au chef de famille en Corée.
Arrivé à l’immense maison, Ryu sortit de la voiture en rigolant ironiquement.
« Ah ouais donc vous vivez dans le grand luxe alors que grand-mère à juste eut le droit à une pauvre maison quatre pièces ? » Hyun-Seon ne répondit pas à cette provocation et donna ses ordres aux domestiques pour qu’ils emmènent les bagages de son fils cadet à l’intérieur. Ga-Ra attendait à la porte, en voyant ses yeux larmoyants : Ban-Ryu serra les dents. Quel cinéma. Pensa-t-il avant de la laisser courir vers lui pour le prendre dans ses bras.
« Mon fils, mon fils. » Répétait-elle encore et encore mais son fils restait stoic.
« Mère. » Voilà sa seule réponse, cela n’arrêta pas Ga-Ra d'embrasser mille et une fois tendrement cet enfant enfin revenu au pays.
Ban-Ryu comprit alors qu’il allait devoir prétendre être heureux, avoir quelque chose à faire de ces deux personnes qui lui avaient permis de naître, mais envers qu’il n’avait aucune autre dette.
01 Octobre 2008 - Séoul, Corée du Sud
« Je vous présente à tous : mon fils, Ban-Ryu. Il est dorénavant mon successeur. Je vous demande d’être indulgent avec lui et vous implore de lui apprendre tout ce que vous savez pour qu’il puisse prendre à ma mort ma place à cette table. » Les hommes d’affaires applaudirent discrètement et Hyun-Seon fit signe à son fils de s’asseoir. Sa longue éducation pour être une parfaites copie de son père pouvait commencer.
22 Septembre 2009 - Séoul, Corée du Sud

Cela faisait presque un an qu’il était en Corée et son père s’était mis en tête de faire une immense fête en son honneur et pour ses 24 ans. Hyun-Seon voulait également profiter de ce moment pour faire une annonce qui allait changer la vie de son fils. Naturellement, Ban-Ryu n’en savait rien : il n’avait pas le choix de toute façon : une alliance devait être faite tôt ou tard. On ne lui demandait jamais son opinion de toute façon. Pourtant, durant cette année il s’était assagi sur beaucoup de poids : notamment son attitude envers son père. Ga-Ra passait le plus clair de son plan à tenter de se faire pardonner par son fils. Elle regrettait, oui et elle ne savait pas quoi faire pour récupérer cet amour bafoué. Ban-Ryu de son côté suivait comme un parfait petit mouton : se défoulant sur les domestiques quand il en ressentait le besoin. En Corée, il n’y avait personne pour calmer ses excès de folies et ce n’étaient pas les quelques appels qu’il avait avec Elio qui aidait. Bien au contraire, il avait progressivement arrêté de l’appeler toutes les semaines, car cela était bien trop douloureux. Ici, il n’avait personne et dans sa forteresse de solitude rien ne pouvait arrêter son mauvais caractère. Mieux encore : on disait oui à chacun de ses caprices histoire de mettre de l’huile sur le feu.
La soirée se déroulait comme la plupart de ces soirées mondaines qui insupportaient Ban-Ryu, il pensait déjà à un moyen de s’éclipser d’une conversation entre eux autres actionnaires de Samsung quand son père prit le micro pour faire une annonce. Il lui demanda de monter sur scène, ce qu’il fit en fermant sa veste et saluant les invités qui l’applaudissaient. Après avoir souhaité à nouveau un joyeux anniversaire à son fils, il présenta à l’assemblée celle qui était dans un coin du buffet à manger un petit chou à la crème. La lumière sur elle l’éblouit et Ban-Ryu fronça les sourcils et comprit rapidement où son père voulait en venir.
« Hwa-Young, rejoint nous veux-tu. » La jeune femme, prise en flagrant délit sourit à tout le monde : la bouche pleine, elle avala rapidement la pâtisserie pour pouvoir rejoindre les deux hommes. Une fois près de lui, Hyun-Seon attrapa sa main puis celle de son fils.
« Je suis fier de vous annoncer les fiançailles de mon fils Ban-Ryu et de Hwa-Young, fille de l’honorable chairman Kwang-Ho. » Les deux jeunes gens surpris se regardèrent alors que les convives les félicitaient.
27 Mars 2010 - Séoul, Corée du Sud
Il a fallu sept mois à Ban-Ryu pour apprécier la belle qui lui a été promise. Hwa-Young, quant à elle, était conquise dès les premières heures passées en sa compagnie. C’est bien parce qu’elle est tombée sous le charme de cet ours mal léché qu’elle n’a pas lâché le morceau et s’est battue pour l’avoir. Calmant ses colères, trouvant les mots pour percer son cœur qui s’était refroidit depuis son arrivée sur le sol Coréen. Elle a tellement bien fait son travail qu’un matin Ban-Ryu à réaliser qu’au final son union avec Hwa-Young n’était pas une si mauvaise chose. Après tout, s’il devait se marier autant que sa soit une personne comme elle à ses côtés qui ait la patience nécessaire pour calmer son caractère de feu. Alors, quand le mariage eu lieu en Mai de cette même année ce fut une grande célébration et un heureux évènement. Pourtant dans un coin de sa tête était toujours un homme qui contre vents et marées restait présent.
27 Février 2014 - Séoul, Corée du Sud
« C’est une fille. » Une femme habillée de rose s’inclina en le félicitant. Avec ses parents, il attendait impatiemment dans la salle d’attente de savoir de quel sexe serait son enfant. Il sourit comme un idiot. Il avait une fille. Il était père. Il se leva, fébrile : pour la première fois de sa vie il ne savait pas quoi faire de ses dix doigts. Alors, il lissa son costume et se racla la gorge avant de suivre l’infirmière. En rentrant dans la chambre, il pouvait déjà entendre les gazouillements du nouveau-né. Un bouquet à la main, il s’approcha du lit et embrassa délicatement sa femme.
« Merci de m’avoir donné une fille. » Il caressa amoureusement sa joue tout en la regardant dans les yeux.
« C’est plutôt moi qui te remercie de me rendre si heureuse. » Elle lui vola un baiser et lui présenta le bébé.
« Je te laisse la nommée. Je sais que tu choisiras le bon prénom. » Ban-Ryu posa les fleurs et prit la petite fille avant de s’asseoir sur le lit.
« Kim Mee Yung. Comme ma grand-mère. » Hwa-Young hocha la tête :
« Cela lui va à merveille. » Elle regarda amoureusement son époux.
« Je t’aime Ban-Ryu. » Il releva son regard de la poupée qu’il berçait doucement :
« Je t’aime encore plus Hwa-Young. » Elle était l’amour de sa vie. Il le savait. Celui féminin tout du moins. Il n’avait la place que pour une personne de chaque sexe dans son cœur et l’homme qui tenait la place masculine était à plusieurs milliers de kilomètres. Dans quelques mois, lui aussi serait papa selon Agata avec qu’il gardait contact. Ban-Ryu espérait de tout son cœur qu’Elio était heureux lui aussi. Il ne souhaitait que son bonheur après tout.
09 Novembre 2016 - Séoul, Corée du Sud
« Nous sommes désolés, nous avons fait ce que nous avons pût mais… Mais elle n’a pas survécu. » Ban-Ryu se laissa tomber lourdement sur le siège de la salle d’attente. Il attrapa sa tête entre ses mains : n’écoutant plus le chirurgien qui s’inclina :
« Si vous voulez la voir, nous vous emmènerons à elle. » Puis il partit : laissant le jeune veuf seul. Hwa-Young avait été percuté par une voiture alors qu’elle traversait la route. Un cas de hit and run comme il arrive constamment à Séoul sauf que cette fois-ci : c’était sa femme qui était morte et ça : il ne pouvait pas l’accepter. Alors, il se releva : aucune larme ne coulait de ses yeux bien trop noir. Il descendit à la morgue et en rentrant sentit son cœur s’arrêter. Hwa-Young reposait là, à quelques mètres de lui. Sa peau, plus pâle qu’à l’ordinaire, était couverte d’égratignures en tout genre. S’approchant respectueusement : il attrapa sa main et embrassa son front.
« Je prendrais soin de notre fille, je te le promets mon amour. » Il ferma les yeux, sa voix tremblait : il ne pleurait pas mais les émotions étaient tout de même là.
« Je sais que tu n’aurais pas aimé, mais je vais retrouver celui qui t’a fait ça et lui ferait payé. Je te le promets. » Il avala difficilement sa salive et la regarda. Remettant une mèche de cheveux derrière son oreille il chuchota pour elle et seulement pour elle :
« Je t’aime, je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle. » Il embrassa ses lèvres avant de partir en faisant signe qu’il pouvait préparer le corps pour la cérémonie.
11 Novembre 2016 - Séoul, Corée du Sud
Ban-Ryu avait revêtu son costume le plus beau, en tête de la ligne : il recevait les amis, la famille venus rendre un dernier hommage à Hwa-Young. Mei, bien trop jeune, pour perdre sa maman ne lâchait pas la jambe de son papa : refusant de saluer les gens venus dire au revoir à Hwa-Young. Ouvrant la marche avec sa fille, c’est son beau-père qui porta son portrait jusqu’à la voiture mortuaire, précédé par le cercueil. En regardant le corbillard s’éloigner avec sa femme, il attrapa sa fille et la serra contre lui :
« Je ne te laisserais pas tomber ma fille. Je te le promets. On va rester tous les deux ok ? » Mee Yung hocha la tête avant d’enfouir son visage dans le cou de son père.
24 Décembre 2016 - Séoul, Corée du Sud

À l’heure où toutes les familles se retrouvaient pour fêter Noël, Ban-Ryu était dans sa voiture à surveiller un homme. Park-Lee Young. Un business man des plus normal qui à un goût trop prononcé sur la boisson et les femmes: c’est lui qui à renverser sa femme et au lieu de s’arrêter pour appeler les secours avait continué tranquillement sa course. Les vidéos tirées des caméras de surveillance étaient sans équivoque. Alors, cela faisait plus d’un mois qu’il était sur ses traces : il ne pourrait faire son deuil qu’en éliminant celui qui a arraché son cœur. En le voyant sortir d’un club, ivre avec sa maîtresse : Ban-Ryu démarra la voiture et suivit le taxi dans lequel ils étaient montés. Devant chez lui, il sortit en même temps que le couple. Il le siffla et s’approcha vivement de lui. Regardant la jeune femme, il lui sourit et sortit un billet de 50000 wons.
« Tiens honey, va donc t’acheter une vie avec ça. » Il lui fit un clin d’œil charmeur :
« J’ai besoin de parler au monsieur… » La femme rigola et partit sans demander son reste sous le regard exaspéré de Park-Lee :
« Et tu comptes me donner ton cul pour compenser. » Ban-Ryu se força à sourire en penchant sa tête sur le côté :
« Non, bien sûr je compte t’offrir un cours d’anatomie en prenant tes os comme exemple. » Il sourit et regard autour de lui. Cet idiot vivait dans un quartier malfamé, mal éclairé et toutes les caméras du quartier devaient être éteinte maintenant comme prévu. Il passa son bras par-dessus son cou et le força à rentrer dans une ruelle adjacente où il entreprit de le frapper encore et encore jusqu’à sentir tous ses os craqués. Pour l’achever, il prit une barre de fer pour lui exploser le crâne. Une fois l'homme mort, il leva sa tête au ciel et ferma les yeux pour pleurer. Pas pour ce qu'il venait de faire, mais il pleura Hwa-Young. Enfin. Enfin son chagrin sortait. Là, couvert de sang, il trouvait enfin la force d'exprimer son spleen.
Quand minuit sonna, il était couvert de sang : le dos contre une poubelle et le corps de l’homme à quelques mètres de lui. Ban-Ryu s’alluma calmement une cigarette, il avait retrouvé sa paix intérieur. Trois de ses hommes de main arrivèrent.
« Débarrassez-vous de lui. » Il se leva et retourna dans sa voiture pour rentrer chez lui. Mee Yung était déjà au lit, une fois lavé et douché il alla voir sa fille et se coucha à côté d’elle en la prenant dans ses bras.
« On va pouvoir vivre en paix maintenant mon cœur. Appa s’est chargé du méchant. Je ne laisserais rien t’arriver mon amour. » Il embrassa son front et s’endormit en la gardant contre lui.